Deux vies
Pour rien au monde le silencieux n'aurait voulu manquer cette vue.
Lui, ce médecin, qui était autrefois penché sur l'enfant qu'il avait été.
Ce médecin qui l'avait interné. "Pour ton bien".
Le silencieux n'avait jamais été normal. Trop original, trop muet. "Cas intéressant".
Des jours, des semaines, des années.
Des tests, des analyses, des séances.
Et cette souffrance qui grandissait en lui, dans sa poitrine, l'empêchant de parler.
Ce poids sur son cœur, ce sentiment de mort imminente.
Et les scientifiques qui l'examinaient tant qu'il le pouvait, le maintenant en vie.
Cette haine qui prenait de plus en plus d'ampleur, dévorant la compassion.
Puis la compassion est morte. Et il a pu comprendre.
Il a compris l'humain. Le fonctionnement de l'espèce humaine toute entière. Une réponse qu'il ne pouvait livrer ainsi, et qui nécessitait plus de recherche. Le projet d'une vie.
Et maintenant, ce médecin trop bavard déchirait le silence, à genoux. Il suppliait, il pleurait.
Il était pathétique.
Le silencieux mit fin à son expérience. D'autres réponses étaient apparues.
Il avait besoin d'un autre sujet.
La plénitude revint dans le laboratoire du silencieux. Pour l'instant.